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Thierry Calvat, sociologue nous parle des aidants

Interview de Thierry Calvat. Regard du sociologue sur la singularité et le rôle dans la société des proches aidants, alliés incontournables des personnes touchées par le cancer.

Regard sur la singularité des proches aidants et leurs rôles dans la société

À travers ses interviews, Cancer Contribution continue à porter son attention sur la situation des proches aidants qui accompagnent un patient atteint de cancer. Thierry Calvat est sociologue et conseil en innovation sociale. Cancer Contribution lui a demandé comment il voyait l’évolution du rôle des aidants au sein de la société, ainsi que les missions qu’ils pourront être amenés à remplir dans les prochaines années. Il défend une nouvelle vision du proche aidant fondée sur la mise en valeur, au sein de la société, des compétences qu’il déploie dans son accompagnement auprès du patient. Une démarche originale qui, souligne-t-il, est globalement valable au-delà du cancer pour la majeure partie des maladies chroniques et des situations de handicap.

Chaque proche aidant est singulier

D’emblée Thierry Calvat invite à ne pas généraliser les situations des proches aidants dont « on ne fait pas le bonheur malgré eux ». Chaque situation est spécifique, selon bien entendu la pathologie, sa gravité et la relation singulière entre les personnes. Il existe des aidants de tous âges, avec ou sans liens familiaux avec le patient. L’aidant peut être un ami, un voisin. Certains aidants assument sans difficulté particulière leur mission sans être forcément des « héros » (environ 1/3 des aidants selon T. Calvat). D’autres (dans une même proportion) rencontrent de grandes difficultés ; et le dernier tiers se situe dans la moyenne. Il existe toutefois un point commun : dans la plupart des cas, les relations familiales ou amicales s’en trouvent renforcées.

Le recours à un aidant professionnel, pas si évident

Il existe un autre facteur discriminant : la sollicitation ou non du concours de professionnels externes. Certains aidants éprouvent une grande difficulté à le faire, et si finalement ils s’y résolvent, ils en éprouvent une grande gêne, voire une culpabilité à laisser leur proche dans des mains étrangères. Selon Thierry Calvat, dans le recours éventuel aux aides externes, les différences de revenus, la présence ou non d’aides financières… jouent leur rôle, mais à la marge. Ce dernier dépend de la présence ou non d’une « dette symbolique » entre le patient et le proche. Cette « dette » est d’autant plus grande que l’aidant estime avoir reçu du patient, à un moment ou à un autre de sa vie, des bienfaits, une faveur, une éducation… dont il s’estime redevable et qu’il s’agit de rembourser symboliquement par un accompagnement au plus près dans la maladie. Plus ce sentiment de dette est important, plus l’aidant sera réticent à demander l’intervention de professionnels pour la vie quotidienne, se laissant ainsi la charge la plus importante.

Prendre garde aux conséquences du « ciseau démographique »

Le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre des patients atteints de pathologies chroniques et/ou graves, en particulier le cancer, incitent à penser que par contrecoup on devrait s’attendre à une croissance comparable du nombre de proches aidants.
D’autant plus que dans le même temps, les nouvelles formes de prise en charge (hospitalisation à domicile, ambulatoire…) changent l’organisation des soins, imposent aux réseaux de ville des exigences d’efficacité, de coordination et de continuité de leurs actions qui représentent également autant d’occasions de mobilisation des proches aidants.

Mais attention souligne Thierry Calvat. La population française vieillit et les effectifs d’aidants dans la force de l’âge diminuent en proportion. Si l’on y regarde bien, dans les décennies qui viennent, l’évolution des deux courbes est en fin de compte opposée et prend globalement la forme d’une paire de « ciseaux ». Cette tendance lourde invite à repenser dès maintenant l’organisation des soins et en particulier le rôle des aidants.

Vers une reconnaissance du rôle des aidants en tant que moteur d’innovation sociale

Thierry Calvat nous invite à quitter la posture, compréhensible, mais en définitive limitée et insuffisante, de la compassion à l’égard des aidants, pour se tourner vers la reconnaissance de leur potentiel et de leurs compétences spécifiques acquises ou développées auprès du patient. Le Cercle Vulnérabilités et Société co-fondé par T. Calvat se propose de mettre en lumière comment l’expérience de l’aide peut être « convertie », autrement dit comment l’épreuve de la maladie représente une occasion de développer de nouvelles ressources (psychologiques, professionnelles…) utiles aussi bien pour lui-même que pour la société.

Le Cercle Vulnérabilités et Société promeut ainsi l’idée que « les vulnérabilités du champ social et de la santé peuvent devenir un véritable levier de développement économique et social » et même représenter une force et un gisement caché d’innovation.


Bien entendu, il ne s’agit pas d’une vision utilitariste qui tendrait à « exploiter » des personnes dans le désarroi ou vulnérables ; mais au contraire d’une mise en valeur de compétences vécues, acquises dans le feu de l’action : sens de l’organisation, gestion des urgences et des priorités, gestion de crise, confrontation à l’incertitude… Tous ces savoir-faire sont autant d’atouts qui peuvent être développés dans la vie citoyenne, dans une organisation ou une entreprise. Ce changement de regard valorise non seulement l’aidant dans sa mission auprès du patient mais est de nature à lui donner de nouvelles responsabilités.


La démarche du Cercle Vulnérabilités et Société est pragmatique : études sur le terrain, recueil de témoignages notamment dans le monde associatif, observation fine du vécu des patients et des proches aidants… afin d’en tirer des propositions opérationnelles. Le Cercle organise des actions de sensibilisation au sein d’entreprises, met en valeur ses idées auprès des parlementaires et des pouvoirs publics. Et surtout entend donner aux aidants des outils d’analyse sur leurs propres compétences et celles qu’il serait utile d’acquérir.
L’association Juris Santé, présidée par T. Calvat propose également un soutien juridique pour les patients et les aidants et du coaching, une nouvelle forme de soutien de ces publics.

www.jurissante.fr
www.vulnerabilites-societe.fr

Article rédigé par Arnoul Charoy

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